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Film : « Le soleil de trop près » sur la schizophrénie

Conseils film
6 juillet 2022

300 mg, 0 mg, 600 mg, la vie psychique de Basile dépend d’un savant dosage chimique et de la détermination de ses proches à supporter ce qui ressort de l’incompréhension voire de l’inacceptable. Basile souffre de schizophrénie. 

Environ la moitié des personnes souffrant de schizophrénie ne prennent pas leur traitement où pas régulièrement. C’est le cas de Basile qui sort d’un séjour à l’hôpital. Il emménage chez sa jeune sœur Sarah et son compagnon. 300 mg est la dose minimale prescrite par son médecin ainsi qu’un suivi sous la forme de visites régulières. Malgré une volonté farouche à vouloir s’en sortir, à rencontrer des gens, à trouver un travail, à chercher une copine, Basile subit les affres de sa personnalité et de ses hallucinations. Les regards apeurés de ses brèves rencontres renforcent sa maladie. « Je suis un pirate », affirme-t-il souvent « un magicien aussi ». Ses prestidigitations sociales basculent en bizarreries excessives. Ne voulant révéler sa pathologie, Basile oscille entre des moments de stabilité qui l’insèrent et d’autres qui l’enfouissent dans un envahissement inévitable. Les effets secondaires du traitement ne sont pas anodins. Il est si facile de jeter les cachets…

Une belle complicité lie le frère et la soeur, délaissés trop tôt par le décès de leurs parents. Leur amour fraternel est inconditionnel. Mais pour Sarah, construire une vie professionnelle et affective avec un frère souffrant de schizophrénie au domicile, requiert une persévérance mature et sans faille. Pour sa soeur, Basile reprend son traitement. Il trouve l’amour auprès d’une jeune femme, mère célibataire, rencontrée dans le bus. Cette relation frère-soeur n’est pas sans rappeler le film Petite soeur de Stéphanie Chuat et Véronique Reymond.

Premier long métrage de Brieuc Carnaille, Le soleil de trop près aborde la maladie mentale à travers la difficulté de se soigner. La racine du problème résidant dans l’anosognosie. Ce trouble empêche de percevoir sa maladie. Basile refuse de se présenter comme une personne atteinte de schizophrénie. Il préfère se voir en pirate, en prince, en magicien… Il se voit en roitelet, tout petit oiseau vif qui virevolte d’arbre en arbre. Basile ressent cette dualité constante entre la nécessité d’avoir une vie sociale ordinaire et celle de garder ce qui fait l’étrangeté d’une personnalité borderline. Jusqu’au moment où la pulsion de vie dépend étroitement des hallucinations subies. Le manque de perception de la maladie ne protège pas de la dépression, ni du suicide comme certains pourraient le croire. 

La performance de Clément Roussier, co-auteur du film, témoigne d’un jeu subtil fait de nuances et d’excès, entraînant le spectateur dans une empathie profonde à l’égard de Basile. Son regard appuyé et sa présence physique donnent au personnage l’ampleur d’une vitalité fragile, extrême et débordante. 

C’est un film où la place de l’aidant apparaît en filigrane, sans éviter d’aborder les difficultés inhérentes à cette posture. Sarah n’a, comme la plupart des aidants, pas choisi cette situation. Elle remplit avec un amour fraternel sa place d’accompagnante, sans occulter les difficultés ni en fuir les responsabilités

  • savoir gérer ces moments où l’on doit décider,
  • supporter les délires paranoïaques de son frère qui la plongent dans la culpabilité, 
  • être capable de dire aussi qu’on existe lorsque l’autre ne voit que trahison ou complot, 
  • être aussi simplement une sœur avec laquelle on se rappelle les connivences des souvenirs d’enfance.

Le soleil de trop près offre une juste vision sur la difficulté d’être stabilisé en tant que schizophrène. Il n’occulte en rien la responsabilité des tiers et leur importance dans l’accompagnement des effets de la maladie. Il interroge également sur la nécessité d’un accompagnement social pour effectuer le retour des malades dans la société civile.

Le soleil de trop près réalisé par Brieuc Carnaille avec Clément Roussier, Marine Vacth, Diane Rouxel, sorti 28 septembre 2022, 90 minutes.

Rédaction Marc Chevallier