Vivre pour un autre : rencontre auteur
Pauline Giroux témoigne dans Vivre pour un autre, de son rôle d’étudiante et d’aidante de son grand-père, victime de deux AVC. Un livre touchant et simple qui retrace le parcours de sa famille pendant sept années. Elle a accepté de répondre à nos questions pour en savoir plus sur elle et son ouvrage.
Pourquoi rendre visible votre histoire : celle d’une étudiante, aidante de son grand-père ?
Mon grand-père a eu 2 AVC qui lui ont amené des séquelles assez graves : perte de mémoire et paralysie. Ça nous est tombé dessus. On ne s’y attendait pas, comme beaucoup d’aidants. Il a fallu réorganiser totalement nos vies autour de lui. À l’époque, j’étais étudiante. Il était impensable de ne rien faire et de laisser mes parents et ma grand-mère s’occuper de lui. Il fallait que je puisse les aider car je pense que c’est une force quand on est une famille soudée. Lorsque mon grand-père est décédé, on avait vécu tellement de choses que c’était important pour moi de témoigner de cette expérience. On s’était sentis isolés parce qu’on n’avait pas été dirigés par des équipes médicales ou des assistantes sociales, vers des associations ou structures qui auraient pu nous aider. Alors, on s’est retrouvés en famille, tout seuls. Je me suis dit que d’autres personnes pouvaient être dans notre cas. Ce livre pourrait les aider à voir qu’elles ne sont pas seules. J’ai essayé de faire un livre très court parce que les aidants n’ont pas beaucoup de temps.
Comment votre livre a été perçu par votre entourage ?
Je n’ai prévenu personne que je rédigeais un livre. Je préférais faire la surprise. Je me disais qu’il valait mieux procéder étape par étape. Dans un premier temps, il fallait construire le livre. Et ensuite, il fallait trouver un éditeur.
Comment avez-vous concilié vos études, votre vie personnelle et celle d’aidante ? Et comment viviez-vous cette situation par rapport à vos amis ?
Je ne m’étais jamais posé la question ! La seule amie qui était au courant avait vécu la même chose avec sa mère qui avait fait un AVC. Elle était aidante également. Autrement, je n’en parlais pas. On se rend compte que tant qu’on ne l’a pas vécu, on ne peut pas comprendre ce qu’on vit. À 20 ans, on n’a pas envie d’être confronté à ce genre de problématique. On a d’autres préoccupations. Je ne trouvais pas d’oreille attentive pour en parler. Ce sont des soucis que j’ai gérés en famille principalement.
« Ne baissez pas les bras et toquez à toutes les portes pour voir les aides et les conseils que l’on peut vous apporter. » – Pauline Giroux
Pour concilier une vie d’aidante et les études, c’est compliqué. Il faut un emploi du temps très militaire. Il faut faire sa journée d’étude et le soir, vient le moment d’être aidant. C’est vraiment deux vies qu’on mène en 24 h. La chance que j’ai eue, c’est que nous étions plusieurs. Cela permettait de souffler et de se garder des petits moments pour soi.
Qui vous a vraiment aidé ? Et surtout, étiez-vous consciente d’être aidante ?
La famille, mais aussi des amis de ma grand-mère qui ont su montrer leur soutien et qui ont fait le maximum de leur côté. Mais on ne peut pas demander à tout le monde de prendre soin d’un malade. Les gens, face à la maladie, réagissent différemment. Il y a certaines personnes qui avaient tendance à infantiliser mon grand-père. Et d’autres personnes qui l’ont traité comme avant et cela fait du bien, tant au malade qu’aux aidants.
Au début, on n’y pense pas vraiment, car on est tellement dans l’urgence d’agir… Au début, on est motivé pour qu’il puisse récupérer ses facultés, donc cela nous pousse à faire le maximum. Dans les dernières années, lorsque son état de santé a décliné, on se rend compte qu’on est fatigué physiquement et émotionnellement. C’est dans ces moments qu’on se rend compte qu’on est vraiment aidant. On doit mener une double vie au quotidien et ce n’est pas facile.
À quel moment avez-vous pris conscience du mot « aidante » ?
Quand mon grand-père est tombé malade en 2013, on ne parlait pas beaucoup des aidants. Au fur et à mesure, je trouve qu’on a parlé de plus en plus des aidants. L’entreprise de mutuelle/prévoyance de ma mère était plutôt impliquée sur le sujet pour aider ses employés. Elle avait aussi accès à des informations de son côté. À la télévision, il y a des émissions, comme sur France 2, Ça commence aujourd’hui, qui donnent la parole aux malades et à leurs proches et c’est là que le terme « d’aidant » est entré dans notre vocabulaire.
« … On s’est retrouvés en famille, tout seuls. Je me suis dit que d’autres personnes pouvaient être dans notre cas. Ce livre pourrait les aider à voir qu’elles ne sont pas seules. » – Pauline Giroux
Y a-t-il eu un changement dans votre accompagnement entre votre passage des études au travail ?
C’est vrai que cela a été différent. J’ai eu beaucoup plus de facilités à en parler avec des collègues. J’ai trouvé plus de personnes qui ont été confrontées à des situations similaires. Et je trouve qu’il y avait une meilleure écoute au niveau des collègues. Au niveau de l’accompagnement, il n’y avait pas trop de différences entre étude et travail. Mon expérience d’aidante a toujours été la même.
À la fin de votre livre, vous parlez de la manière dont se comportent les personnes extérieures face à votre situation d’aidante.
Le conseil que j’aimerais donner aux aidants seuls, c’est de ne pas s’isoler et de ne pas hésiter à frapper à toutes les portes. On avait posé des questions à des assistantes sociales : « Est-ce que vous avez des structures à nous conseiller ? ». Nous n’avons jamais eu de réponses et l’on a arrêté de chercher. Il ne faut surtout pas baisser les bras. Par exemple, je ne savais pas qu’il y avait, dans ma commune, un service social qui aurait pu nous aider. Si on avait su, on serait allé le voir beaucoup plus tôt pour voir quelles mesures étaient mises en place à notre échelle locale. C’est comme ça qu’on obtient de l’aide et des conseils.
Que souhaitez-vous dire aux aidants ?
Il faut qu’ils soient fiers de ce qu’ils font. C’est vrai que lorsqu’on est aidant on a tendance à s’oublier car on fait passer la vie du malade en priorité pour son bien-être. C’est important d’être fier de ce qu’on fait pour une personne qu’on aime. On le fait pour qu’il retrouve un semblant de vie normale. Je trouve que c’est important de se dire qu’il y a beaucoup de sacrifices à faire, ce n’est pas évident, mais il faut être content de ce qui est fait.
L’auteure a divisé son livre en deux parties : son expérience, puis quelques astuces afin de venir en aide aux personnes aidantes. C’est une lecture idéale pour d’autres étudiants aidants de leur grand-père ou de tout autre membre de leur entourage.
Propos recueillis par Victoire Teixeira | GIROUX Pauline, Vivre pour un autre, Le Lys bleu éditions. Paris : 2021, 112 pages.
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Étudiante en communication, Victoire souhaitait mettre ses compétences acquises pendant ses études au profit d’une association.
Animatrice sociale en EHPAD, Amélie exerce aussi, en parallèle, le métier de rédactrice SEO. Proche aidante d’un parent, elle optimise les articles pour le web.