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Apaiser les effets du vieillissement en musique

Conseils lecture
22 octobre 2021

Dans son livre Le pansement Schubert, la violoncelliste Claire Oppert raconte son parcours en tant qu’intervenante en musicothérapie. L’ouvrage dévoile les portraits de plusieurs patients rencontrés et la façon dont son travail les a soulagés. L’artiste rapporte notamment comment elle a pu apaiser les effets du vieillissement en musique au sein d’un EHPAD.

La musique : une vocation précoce et une passion familiale

Médecin et musicien, quand le père de Claire Oppert consulte, il lui arrive très souvent d’être en retard. Lorsqu’il arrive chez ses patients, il se met au piano et interprète un Nocturne de Chopin, généralement le n° 20. « Puis il referme délicatement le couvercle du piano, met son chapeau toujours trop petit, pour prendre congé. « Docteur », dit le malade, « vous ne m’avez pas ausculté ? » Et lui de répondre tout naturellement : « Ça va beaucoup mieux, on se verra la semaine prochaine » » (Oppert, Le pansement Schubert, 2020, p. 25).

À 14 ans, Claire affronte le public lors de son premier récital de violoncelle à l’hôtel de Noailles à Paris. À l’issue du concert, paniquée par une erreur technique, elle voit s’approcher une femme au teint très pâle. Celle-ci lui dit : « Si vous aviez été médecin, j’aurais été guérie ». Sans doute naquit alors chez elle sa passion précoce pour l’art-thérapie. C’est cet « appel à la vie » que l’artiste continuera à développer. Elle contribuera alors au protocole thérapeutique expérimenté avec le docteur Jean-Marie Gomas à l’hôpital Sainte-Perrine à Paris : le pansement Schubert.

« Les cris cessent, le calme revient dans la pièce. Je peux observer alors son visage, regard étonné et à ses lèvres une ébauche de sourire » (Oppert, 2020, p. 10).

Le pansement Schubert : ou comment apaiser les effets du vieillissement en musique

Lors d’un passage dans un EHPAD parisien, Claire Oppert entend une patiente démente qui hurle. Pendant le changement de son pansement, elle crie, elle mord, et tape les deux infirmières qui tentent de la soigner. Claire entre dans la salle pendant que les soignantes la maintiennent fermement afin qu’elle ne tombe pas de son fauteuil. La violoncelliste s’assied près d’elle et entame l’andante du Trio op.100 de Schubert. Quelques petites secondes plus tard, la résidente se détend et donne calmement son bras aux infirmières. La contention n’est alors plus utile et le soin peut s’effectuer dans la sérénité. Les soignantes sourient. Elles proposent que Claire Oppert revienne pour « le pansement Schubert ». Le concept est né. Plusieurs fois dans la semaine, elle reviendra pour jouer Bach, Mozart, Beethoven ou Brahms aux résidents. À l’évidence, la musique offre un soulagement radical qui influe sur les patients, mais également sur les soignants. Ces derniers appréhendent différemment l’administration des soins délicats.

Les pouvoirs de la musique sont multiples. Elle vient chercher la sensorialité avant la raison, qui souvent a disparu chez ces patients. Parfois même, les doigts et les pieds de personnes plongés en coma profond sortent quelques instants de leur silence abyssal.

« Quand vous jouez du violoncelle, je ne me sens plus malade… Non, se reprend-il, ce n’est pas ça : quand vous jouez, je ne suis plus malade. Je sens en moi la joie et la vie. » (Oppert, 2020, p. 117).

La musique : une méthode de soin alternative pour de multiples problématiques

L’auteure raconte dans son ouvrage quelques vignettes cliniques sur ces patients en souffrance. Un ancien boxeur atteint d’une maladie neurodégénérative réclame un air de Piaf. Lui qui a connu Marcel Cerdan, replonge dans ces souvenirs à l’écoute du violoncelle. De ses grosses mains d’athlète, le corps lourd et totalement inerte, il bat la mesure… Il respire difficilement et porte un masque à oxygène. Madame Müller avoue ne plus avoir peur de la mort dans cette mer de « sons-amis » (Oppert, 2020, p. 121). La patiente est toujours souriante malgré son cancer en phase terminale. L’adagio d’Albinoni la sort de l’indifférent silence des jours.

Claire Oppert a également accompagné de jeunes autistes dans le Centre Adam Shelton, un Institut Médico Educatif (IME) à Saint-Denis. Sa rencontre avec Howard Buten, le directeur de projet dans l’établissement, est traduite dans son livre. Il fut, malgré lui, à l’origine de son diplôme d’art-thérapeute violoniste. Les « sons-amis » viennent aussi résonner chez les jeunes autistes en mal de relations. Quelques-uns s’ouvrent davantage, tentent une ébauche de communication. D’autres osent même jouer devant un public. À leur manière souvent. Ils écrivent leurs bizarreries sur la portée que leur offre la musique.

 

Quelques scientifiques verront dans cette méthode, une intuition utile, mais insuffisante. Pourtant, la lecture des poignants témoignages montre qu’un soulagement réel peut s’effectuer avec ce type d’accompagnement. Il est possible de calmer les douleurs et d’apaiser les effets du vieillissement en musique. Les protocoles prouvent, chiffres à l’appui, qu’une diminution de la douleur de 10 à 50 % peut se constater. Il y a également un impact massif sur les soignants. Les mélodies apportent la chaleur et la douceur nécessaires lorsque la vie se réduit aux souffrances. La musique n’adoucit donc pas que les mœurs.

OPPERT Claire, Le pansement Schubert, Denoël. Paris : 2020, 208 pages.

👉 Poursuivez votre lecture avec notre interview de l’auteur.

👉 Pour plus d’informations sur le vieillissement, rendez-vous sur le site de l’association Petits frères des pauvres.

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Ancien aidant, enseignant et formateur sur le handicap à la retraite, Marc Chevallier met en lumière des livres, films, auteurs, réalisateurs… qui parlent de la cause des aidants.

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