Film : « À la folie »
Film de Audrey Estrougo Drame 1h22 Avec Virginie Van Robby, Lucie Debay, Anne Coescens
« Je sers à quoi si je ne peux pas la sauver. »
Emmanuelle (Manu) revient dans sa maison familiale pour célébrer l’anniversaire de sa mère. Elle y retrouve sa soeur, Nathalie, atteinte de schizophrénie. De retour dans la maison qui l’a vue grandir, elle y retrouve son passé et les signes d’un quotidien confronté à la maladie : vase cassé, prise arrachée, cadre brisé. Nathalie n’a pas changé. Elle est toujours instable émotionnellement, la plupart du temps imprévisible, sa perception de la réalité est obsessionnelle et délirante. Et puis elle ne prend plus ses médicaments qui traînent sur la table de la cuisine. La mère semble dépassée, elle peine à cacher les bleus qu’elle a sur ses bras. Le père est absent depuis longtemps, malgré son retour pour les festivités et dont le portrait sans concession témoigne de sa profonde irresponsabilité. « Tu sais ce que c’est que d’avoir des enfants qu’on regrette ? » dit-il à sa fille pour justifier son absence. L’atmosphère est très tendue dès les premières minutes du film. Il règne dans l’atmosphère électrique une insécurité permanente qui nuit aux retrouvailles de ces 3 femmes. Nathalie montre peu de filtre dans ses propos et oscille entre ses excès de joie, de détresse, et sa provocation permanente. Ses paroles sont crues, elle n’hésite pas à appuyer sur la culpabilité que sa soeur ressent depuis toujours. « Moi aussi j’aimerai qu’on m’invite ». Manu est sans cesse sur le qui-vive. Elle ne peut s’empêcher de reprocher à sa famille le déni dans lequel elle s’est enfermée. La mère refuse l’hospitalisation, le père se déresponsabilise en prônant le libre choix de chacun, Nathalie souvent consciente subit sa souffrance, Manu peine à construire sa vie intime.
« C’est les parents malades qui font des enfants malades et pas l’inverse »
La réalisatrice Audrey Estrougo place le spectateur dans un huit clos oppressant. Car chaque phrase peut déclencher une crise incontrôlable, le moindre regard peut provoquer son lot de violences. Le spectateur, comme Manu, est sans cesse aux aguets et les tensions rythment le film dans chaque instant. Il règne un climat proche de ceux des films d’épouvante, que ce soit dans les moments des retrouvailles au bord de la rupture, dans ces silences si pesants ou dans les éclats incontrôlables. On attend en apnée le dénouement tragique qui clôtura ce drame. Audrey Estrougo connait la maladie car son frère en est atteint. Elle montre les effets délétères qui perturbent les liens de l’entourage et plongent chacun dans une solitude difficilement supportable. A la folie montrent avec talent une maladie qui ronge insidieusement les liens et plonge l’entourage dans une impuissance culpabilisatrice.
Rédaction Marc Chevallier.