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Témoignage d’amour face à la maladie d’Alzheimer

Conseils lecture
14 novembre 2022

Dans son quatrième roman, Sans boussole, traversée en Alzheimerland, Aude Ceccarelli délivre un témoignage d’amour face à Alzheimer. La vie de son père, ancien marin, se limite désormais à « un départ qui n’en finit plus ». Auteure et coach en écriture, elle raconte alors leur parcours à la manière d’un récit de voyage.

Pourquoi écrire sur la maladie d’Alzheimer de son père ?

Les mythes s’effondrent souvent dans la banalité du quotidien. Ce père, qui dans la force de la vingtaine s’affiche fièrement en photo avant d’embarquer vers Manille, Sydney ou Nouméa, n’existe plus. Il n’est plus ce marin insatiable, mais l’homme qui peine à suivre l’agenda familial qui rythme désormais sa vie. Les escales de ses voyages s’enkystent dans le difficile remplissage du lave-vaisselle. Une tâche parmi d’autres, qu’il réalisait il y a peu avec expertise et obstination. Comme un cap à tenir.

Les séjours de vacances en famille sont propices à la recherche de ses souvenirs. Favorables aussi, pour ces proches, aux tentatives de retrouver la perception perdue de ce père admiré. Archéologue convaincue de l’impossible mission de réparation, Aude Ceccarelli rapporte sa traversée d’une contrée proche d’un être devenu si lointain. Cet homme fragile, tels les fragments cassés d’un vase ancien qu’on s’efforce de recoller. Cet homme qui perd tout et erre sans but. Que reste-t-il de ce père lorsque ses pertes s’accentuent, que son allure s’estompe dans ses vêtements trop grands ? La perte de l’homme qu’il a été, le déni de la maladie et du passage de la place de fille à celle d’aidante. Les pertes de l’auteure aussi, de ses illusions de guérison de son père baroudeur, des tendres moments partagés qu’elle ne retrouvera plus. Et comment oublier la promesse faite de ne jamais le mettre en maison et vivre avec cette culpabilité. Avoir le « sentiment gluant, pesant, d’avoir trahi son proche ». Alors elle écrit :

  • Pour témoigner du quotidien qu’il faut affronter.
  • Pour donner quelques astuces de survie à ceux qui en ont besoin.
  • Pour évacuer les ressentis, les sublimer surtout.
  • Pour témoigner d’un morceau de vie au service d’un être cher.

Aidante d’un malade d’Alzheimer : « ce mot pèse une tonne. Il rime avec aimante, patiente, chiante, présente, déprimante, battante. » (Ceccarelli, Sans boussole, traversée en Alzheimerland, 2022, p. 10)

Pourquoi lire ce témoignage d’amour face à Alzheimer ?

Il semble légitime de se poser cette question : qui va le lire ? Les proches accompagnants, premiers concernés sans doute. Le livre est avant tout un voyage en territoire aidant. Pas si sûr, cependant, qu’ils aient envie de se replonger dans un quotidien qu’ils préfèrent peut-être parfois quitter momentanément. Les anciens aidants qui veulent revivre en connivence les émotions passées ? Peut-être. Ou bien simplement des lecteurs attentifs aux témoignages humains, ceux-là mêmes qui rêvent aussi de voyages en contrées lointaines.

Le témoignage de l’auteur sur les groupes de soutien et séances de relaxation offre une lecture réaliste de ce qu’est cette posture d’aidant. Être aidant, c’est s’exposer à un douloureux constat. Le ministère de la Santé affirme que 50 % des aidants sont susceptibles de contracter à leur tour une maladie chronique. Peu rassurant pour Aude Ceccarelli qui avoue parfois se sentir malade, de l’avoir « attrapé au vol ». Partagée entre le désir de vivre et celui d’accompagner, elle se sent aspirée dans un monde où elle trouve sa légitimité. « Plus d’envie comme celles si égoïstes et hédonistes dont on s’enivre, juste celle d’écrire sur l’homme qu’il ne sera plus ». Sa boussole s’oriente désormais vers une nouvelle raison d’espérer. L’accompagnement de son père est un périple dont elle veut sortir grandie. Sa passion du voyage qui lui a été inculquée par ce père admiré reste intacte. Chacun y trouve ce qu’il cherche : soi, l’autre, l’espoir, l’humanité, la fuite. Le naufrage n’est pas inéluctable, même si l’issue en est connue.

 

Dans Sans boussole, traversée en Alzheimerland, Aude Ceccarelli avoue ses manques avec talent dans une écriture touchante qui parle à tous ceux qui ont vécu ce voyage. Elle retrace ces moments douloureux qui monopolisent l’existence des accompagnants. En particulier, les doutes qui s’immiscent au quotidien lorsque ceux qu’on aime larguent les amarres et partent à la dérive. C’est un beau témoignage d’amour face à la maladie d’Alzheimer.

CECCARELLI Aude, Sans boussole, traversée en Alzheimerland. 2022, 164 pages.

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👉 Pour plus d’informations sur la maladie d’Alzheimer, rendez-vous sur le site de France Alzheimer.

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Ancien aidant, enseignant et formateur sur le handicap à la retraite, Marc Chevallier met en lumière des livres, films, auteurs, réalisateurs… qui parlent de la cause des aidants.

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