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Aborder le vieillissement différemment

Conseils lecture
18 novembre 2021

Le livre Vieillir ensemble de Julia Mourri et Clément Boxebeld donne la parole aux plus âgés et pose la question du vieillissement en France et ailleurs. Il permet d’aborder différemment la vieillesse en offrant un nouveau regard. Les deux jeunes auteurs dynamiques sont à l’initiative du projet Oldyssey.org. Le site fourmille d’idées concrètes pour rapprocher les générations. Ils décident un jour de partir en voyage à la rencontre des « vieux », un terme assumé, voire revendiqué. Leur ouvrage raconte leur périple et les solutions originales créées par des citoyens âgés à travers le monde.

Aborder différemment la vieillesse : montrer le potentiel des anciens

Des vieux qui réfléchissent ensemble à l’avenir

Paule Giron, 90 ans, est membre du « gang » Old’Up. Les adhérents réfléchissent à l’utilité qu’ils peuvent trouver au rallongement de la vie. Paule cite ainsi sa petite fille : « Quand je te vois vieillir, tu me donnes un avenir » (Mourri, Boxebeld, Vieillir ensemble, 2020, p. 35). Comment redonner de l’intérêt à l’augmentation de l’espérance de vie sans plonger inexorablement dans le jeunisme ambiant ? Les auteurs soutiennent l’idée que les jeunes prendraient mieux leur destin en main si leurs aînés restaient des modèles avec un rôle social. La perspective de vieillir serait alors moins négative et notre société développerait davantage des liens qui rapprochent les générations. Car les jeunes sont tout simplement les vieux en devenir.

Des femmes âgées qui se mettent au foot

Les Soccer Grannies de Nkowankowa (près de Johannesburg), femmes dont les âges sont compris entre 65 et 90 ans, ne rêvent que d’une chose. Elles veulent une coupe du monde de foot du quatrième âge. Elles se sont mises au sport sur le tard à l’initiative de Mama Beka qui lutte depuis 2004 contre un cancer du côlon. Après de longs mois passés à l’hôpital, Mama Beka arrive à convaincre certaines patientes de taper un ballon de football. De là naît la fédération des Soccer Grannies qui regroupe désormais près d’un millier de gogos, grands-mères en zoulou. Une équipe nationale se crée même. Arrivant clopinant sur le terrain, le public imagine mal ces femmes pétries de diabète, ou souffrant de polyarthrite courir la balle au pied. Mais « Le temps s’arrête… Lorsqu’elles s’emparent du ballon, leur posture se transforme. Les corps abîmés, boiteux, s’animent jusqu’à devenir souples, précis, vigoureux » (Mourri, Boxebeld, 2020, p. 55). Mama Beka voit dans le foot le moyen de libérer ces femmes des contraintes, des charges physiques, morales et financières. Issues en majeure partie des Townships, ces sportives se sentent moins vulnérables lorsqu’elles se retrouvent. Et le public est là.

« Il ne faut pas chercher à rajouter des années à sa vie, mais plutôt de rajouter de la vie à ses années. » (Mourri, Boxebeld, 2020, p. 32).

Mettre en lumière les rôles sociaux des seniors : valoriser les initiatives locales

Des anciens qui éduquent et transmettent un précieux héritage

La région de Guajira au nord-est de la Colombie est un désert. Province riche en ressources naturelles, elle l’est paradoxalement moins au niveau de sa population. Le tiers du peuple indigène est analphabète. La malnutrition et la pénurie d’eau tuent chaque année des milliers d’enfants. Andres, instituteur dans sa communauté de Pajaro, fait intervenir dans sa classe le palabrero, celui qui parle. Aviateur à la chemise d’un beige immaculé, le palabrero utilise le dialecte local pour médiatiser les arbitrages entre les clans. Une fois par semaine, Andres fait également participer le vieux dans sa classe. Il est chargé de transmettre la culture qui a permis au peuple de rester dans cette province inhospitalière. Lors de sa formation, Andres a bénéficié du programme Madre Tierra : « la terre mère ». C’est grâce à l’initiative d’Abadio Green Stocel (linguiste et premier autochtone à avoir obtenu un doctorat en éducation à Medellín, en Colombie), que ce programme a pu se développer. « Pendant 5 ans, les étudiants passent une grande partie de leur temps directement avec les sages de la communauté » (Mourri, Boxebeld, 2020, p. 94). Les vieux, passeurs de culture et de liens avec les plus jeunes, leur permettent ainsi de ne pas jeter leur passé, ni leur langue.

Des vieilles qui se mobilisent pour l’avenir des jeunes

Dans un village de 200 habitants, un père et son frère décident de marier leur fille de 12 ans. S’épanchant sur l’épaule de sa grand-mère, la jeune fille sait qu’elle aura le soutien des aînées des alentours. Très rapidement s’organise la rencontre d’alliance. Le protocole est souvent le même, les anciennes installent un sketch de parole avec les parties prenantes, sous le regard des villageois. « Unies d’un seul bloc et d’une seule voix, personne ne peut remettre en cause la détermination des grands-mères, et le mariage est annulé. » (Mourri, Boxebeld, 2020, p. 102). Créée en 2005 par Judi Aubel (anthropologue américaine) et une dizaine de Sénégalaises motivées, Grandmother Project forme les aînées. Elles seront dépositaires de la médiation pour arbitrer les conflits locaux, les mariages forcés, les excisions, ou éviter les grossesses précoces. Installées dans plus de 80 villages, on les sollicite même pour intervenir dans les écoles et encourager les enfants à poursuivre leurs études.

« Les vieux sont des passeurs. L’ancien ne s’oppose pas nécessairement au nouveau. » (Mourri, Boxebeld, 2020, p. 96).

Des seniors impliqués dans la société et leur vie locale

De toutes les initiatives déployées dans le monde, il ressort que beaucoup naissent d’abord au niveau local, avant d’être parfois pérennisées par les pouvoirs publics. Elles ont toutes l’objectif d’inclure les vieux comme partie prenante de la société. Bien au-delà de la simple pratique consommatrice de loisirs. En Belgique, quelques retraités transmettent leur expérience aux jeunes chômeurs dans leur recherche d’emploi. À Pékin, des grands-mères « influenceuses » font leur talkshow sur l’application WeChat qui diffuse La vieille Pékinoise a quelque chose à dire. En Aveyron, Sophie Pillod enregistre les vieux qui racontent l’histoire de leur village. Elle les retransmet ensuite pour les touristes, sur des bornes interactives, à l’aide d’un simple Code QR.

 

Ce livre s’oppose farouchement aux idées reçues et témoigne d’engagements et de joies de vivre. Il aborde différemment la vieillesse et la valorise. C’est une démarche salutaire, ne serait-ce que pour donner aux jeunes la perspective que vieillir est positif. Vieillir ensemble est un ouvrage au potentiel d’une rare vivacité, qui montre qu’être vieux ce n’est pas fatalement être fragile ni vulnérable.

MOURRI Julia et BOXEBELD Clément, Vieillir ensemble. Points. Paris : 2020, 240 pages.

👉 Sur le vieillissement, découvrez aussi notre article sur le livre Le pansement Schubert.

👉 Plus d’informations et de ressources sur le vieillissement sur le site Pour Bien Vieillir.

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Marc Chevallier Bénévole rédacteur web

Ancien aidant, enseignant et formateur sur le handicap à la retraite, Marc Chevallier met en lumière des livres, films, auteurs, réalisateurs… qui parlent de la cause des aidants.

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